Digitalisation au Maroc, où en est-on ?

Voici quelques semaines, avait lieu le lancement du mouvement MoroccoTech. Ce dernier a autant suscité l’engouement que la controverse, voire, la polémique.

Si nous nous abstiendrons de rentrer dans le débat, il semble intéressant de faire un état des lieux de la digitalisation au Maroc. D’autant que le HCP a récemment publié les résultats de son enquête concernant l’« intégration des TIC au niveau des entreprises au Maroc ».

L’occasion de vérifier si l’effet transformation numérique de la pandémie Covid-19 est un mythe ou une réalité !

UNE FEUILLE DE ROUTE GOUVERNEMENTALE EN 4 AXES

Présenté en octobre dernier, le programme de l’exécutif en matière de digitalisation au Maroc se décline en 4 axes :

Digitalisation des secteurs de la santé et de l’éducation

Si des réformes ont été adoptés au préalable, elles peinent à être déployées. Il s’agit donc de mettre les bouchées doubles en la matière et de réduire les disparités régionales. Si la digitalisation de ces deux secteurs, comme le mentionne le rapport du nouveau modèle de développement (NMD), nécessite clairement « une plus grande utilisation des nouvelles technologies pour une meilleure qualité et une meilleure gestion ». Il faudra vaincre une certaine résistance au changement.

L’utilisation des paiements mobiles pour la distribution des aides sociales

Il s’agit ici de promouvoir et favoriser l’inclusion financière. À travers ce mode de déploiement des aident sociales, le gouvernement a pour objectif d’encourager le paiement électronique. Un challenge de taille, comme le souligne Bank Al-Maghrib : en effet, selon l’autorité monétaire « cela nécessite un effort d’éducation, de sensibilisation et d’incitation assez important ».

Généraliser la digitalisation de l’administration publique

Se rapprocher des citoyens et améliorer l’efficacité des administrations, tels sont les objectifs de l’accélération de leur transformation numérique. De nombreux chantiers ont déjà été initiés et déployés, notamment en matière de règlement des impôts ainsi qu’un certain nombre de procédures e-gov. Il reste cependant encore des efforts à faire selon une enquête du ministère des Finances précisant que 23% des services électroniques sont complètement dématérialisés. Quant aux dispatités en matière d’équipement et de culture numérique, le gouvernement les a a

nticipé puis qu’un dispositif d’ « accompagnement gratuit sera mis à disposition des citoyens »

Fournir des services numériques à haut débit

Un moyen de réduire la fracture numérique qui sévit et d’améliorer la productivité des entreprises marocaines. Il s’agit donc de mettre à niveau l’infrastructure numérique. Et ce, pour l’ensemble du territoire. Comme le précise le rapport du NMD, cette mise à niveau doit s’accompagner de « la formation de compétences en nombre important et le parachèvement du cadre légal et d’interopérabilité permettant de digitaliser les services publics de bout en bout et de renforcer la confiance numérique ».



DIGITALISATION AU MAROC : OU EN SONT LES ENTREPRISES ?

Alors que la roadmap nationale en matière de digitalisation est définie depuis quelques mois, où en sont les entreprises marocaines en matière de digitalisation ? Voici, ce qui ressort de l’enquête du HCP réalisée en décembre 2020 auprès de 3600 entreprises.

Digitalisation au Maroc : Taux d’accès à internet

Un accès quasi-général à internet

La plupart des entreprises marocaines ont désormais une connexion internet. Les TPE restant en retrait puisque 81% d’entre elles sont connectées contre 97,9% des PME et 99,5% des grandes entreprise (2019).


Des usages « de base »

Les échanges d’e-mail restent le principal usage de cette connexion pour 92% des entreprises. Les usages plus significatifs d’une digitalisation de l’entreprise restent plus modestes. Ainsi 62% des entreprises accèdent ou modifient des documents en ligne. L’enquête révèle que 59% des entreprises se connectent afin d’utiliser des logiciels professionnels spécialisés.

Digitalisation au Maroc : motifs de connexion internet

Une intégration des TIC disparate en fonction du secteur

Selon la classification réalisée par le HCP, en 2019, 3 secteurs se démarquent en matière d’adoption des nouvelles technologies. Les industries électriques et électroniques ont un indice de digitalisation largement supérieur à la moyenne nationale (normalisée à 100). Les secteurs de l’industrie chimique et de l’agroalimentaire occupent les places suivantes du podium. La construction quant à elle fait figure de bon dernier en la matière.

Utilisation des nouvelles technologies par branche au Maroc

La pandémie n’a pas été un facteur d’accélération pour tous

Si le discours général tend à affirmer que le Covid-19 a incité les entreprises en entreprendre ou accélérer leur digitalisation, les chiffres du HCP démontrent le contraire… Prise de conscience peut-être, mais passage à l’action limité visiblement.

En effet, la note du HCP précise qu’au contraire des administrations qui ont intensifié la cadence, le bilan est très disparate en ce qui concerne les entreprises privées.

• Modestes investissements pour l’industrie

Fin 2020, les entreprises industrielles prévoyaient des investissements en matière de TIC (matériel informatique et digitalisation des services internes ou externes) ne dépassant pas 4% de leur budget d’investissement pour 2021. Encore une fois les industries électriques et électroniques font figure d’exception en y consacrant 21% de leur budget en moyenne.

En ce qui concerne la part de budget consacrée à la transition vers de nouveaux modes de travail, elle se limite à 5%. Il est vrai que ce dernier chiffre s’explique par la nature même de l’activité industrielle se prêtant peu au travail à distance.

• Le secteur des services contraint d’augmenter ses budgets digitaux

Fortement impactées par la pandémie, les entreprises de services (hors transport et entreposage) prévoyaient de consacrer en moyenne 40% de leur budget d’investissement à l’innovation et à la transformation numérique.

Si la digitalisation au Maroc est sur le devant de la scène depuis plusieurs années, le bilan est encore contrasté. Il semble que la pandémie, si elle a éveillé les consciences, n’a pas permis à tous les acteurs économiques de passer à l’action concrètement.

Parmi les freins évoqués : le manque de profils compétent en la matière, la formation des collaborateurs, et une santé économique fragilisée par un contexte instable depuis de nombreux mois.

Du chemin reste donc à parcourir en la matière et les challenges de la transformation numérique du Maroc restent nombreux tant du côté des acteurs privés que publics.