Transformation digitale en Afrique : où en est-on ?

À l’heure où le digital prend une place croissante tant le quotidien des particuliers que des entreprises, le numérique se présente comme un levier sans précédent pour l’économie mondiale y compris celle du continent africain.

Si l’Afrique présente un potentiel indéniable, il semble qu’elle ait pourtant encore de nombreux défis à relever. Il convient bien entendu de nuancer ce propos en fonction des pays du continent, les disparités pouvant être importante d’un pays du continent à l’autre.

Dans cet article, nous tenterons de faire un point sur la transformation digitale en Afrique. Chiffres clés, enjeux, connectivité, e-gov … Tour d’horizon de la révolution numérique sur un continent prometteur.

Taux de pénétration d’internet : de fortes disparités en Afrique

S’il est un indicateur de premier plan en matière de transformation digitale, il s’agit du taux de pénétration d’internet.

Le rapport annuel du digital produit par wearesocial et Hootsuite, délivre des statistiques intéressantes en la matière.

Selon lui, le taux de pénétration mondial d’internet en janvier 2022 est de 62,5% de la population soit un peu moins de 5 milliards d’utilisateurs.

Sur ce point, le rapport met en évidence des différences importantes en fonction des régions d’Afrique. L’Afrique du Nord et l’Afrique du Sud présentent des taux significativement supérieurs à la moyenne. Au contraire, les zones Est et Centrale, font figure de dernier de la classe avec des taux respectifs de 24 et 26%, les plus faibles au niveau mondial.

taux de pénétration d’internet dans le monde

Si l’on regarde ces données à l’échelle des pays, seuls 2 pays africains vont au-delà de la moyenne mondiale : le Maroc avec un taux de pénétration de 84,1% et l’Egypte avec un taux de 71,9%.

transformation digitale en Afrique : taux de pénétration d’internet

Si le continent peut paraître à la traîne, il convient pour autant de noter que le taux de pénétration d’internet a été multiplié par 10 en 10 ans ! Un chiffre décrivant le leap-frog de l’Afrique en matière de digital. Le continent rattrape donc petit à petit son retard.

Un facteur clé de réussite : les ressources humaines

Pour bénéficier pleinement des opportunités du digital et développer une économie numérique, les ressources humaines vont devoir s’adapter rapidement. Au-delà des compétences techniques pures, c’est toute une culture du digital qui est à développer.

Selon une récente étude du Bonston Consulting Group, 9 employeurs africains sur 10 considèrent les compétences numériques comme une priorité. Un indicateur qui met en lumière la prise de conscience des entreprises sur le sujet.

Reste désormais au système de formation de s’adapter. En effet, le BCG indique que seul 11% des diplômés de l’enseignement supérieur ont reçu une formation numérique conforme aux standards internationaux. Le cabinet affirme également qu’afin de tirer pleinement parti de l’essor du numérique sur le continent, c’est 650 millions d’africains qui devraient bénéficier d’une formation aux compétences du numérique d’ici 2030.

S’il semble que les chefs d’entreprise placent le numérique parmi leur priorité, qu’en est-il au niveau politique ?

Les politiques africaines pour l’économie numérique

En 2019, l’Union africaine et ses multiples parties prenantes a présenté une Stratégie de transformation numérique pour l’Afrique à horizon 2030. « Conformément à l’Agenda 2063 pour l’Afrique et aux objectifs de développement durable, cette stratégie vise à transformer les économies africaines et à favoriser leur intégration en stimulant une croissance inclusive grâce aux technologies numériques et à l’innovation ». C’est en tout cas en ces termes qu’est définie cette stratégie dans le rapport L’essor de l’économie numérique africaine de la banque européenne d’investissement.

Cette Stratégie repose sur la solidarité et la coopération des États membres, l’adoption d’une nouvelle « mentalité numérique » ainsi que la mise en place d’une approche globale, inclusive et transformatrice. Ceci doit passer notamment par la création locale de contenus et de solutions numériques.

Cette démarche doit permettre d’atteindre les objectifs définis par l’Union africaine, dont :

  • L’accès universel pour un coût abordable à une connexion haut débit sécurisée et stable
  • Le renforcement des compétences numériques
  • Un cadre juridique sur la cybersécurité et la protection des données personnelles

La Stratégie de transformation numérique pour l’Afrique repose sur 5 piliers fondamentaux :

Elle doit être déployée prioritairement dans six secteurs identifiés comme critique, à savoir :

  • L’industrie
  • Le commerce et les services financiers
  • L’administration
  • L’éducation
  • La santé
  • L’agriculture

Tout ceci nécessite bien entendu des investissements supplémentaires estimés à 20 milliards d’USD par an entre 2020 et 2025 puis de 50 milliards d’USD entre 2026 et 2030.

De vastes projets donc, nécessitant des prérequis constituant de véritables challenges pour le continent.

Administration 4.0 : une fracture numérique qui reste visible

Comme énoncé précédemment, l’administration est un secteur prioritaire dans la stratégie de développement de l’économie numérique en Afrique.

Or, la dernière édition du GTMI (GovTech Maturity Index) met en évidence des disparités régionales évidentes.

maturité numérique des pays du monde

L’index est décliné en 4 catégories de A à D, le groupe A regroupant les pays leaders en matière de e-gov, le groupe D, les pays les moins performants.

Le continent Africain est globalement moins performant que le reste du monde. Encore un fois, les disparités au sein même du continent sont importantes.

La Tanzanie, l’Ouganda et l’Egype font figure de têtes de file dans le groupe A. Une évolution pour ces trois pays qui étaient en catégorie B à l’index 2020.

Le Maroc reste quant à lui dans le groupe B alors que l’Afrique du Sud régresse en passant en groupe B.

Des évolutions sont notables pour plusieurs pays d’Afrique Subsaharienne qui montent d’un grand et sont désormais classé B. C’est le cas notamment du Burkina Faso, du Ghana, du Bénin ou encore du Nigeria.

Si les données détaillées sont encore à venir, l’index s’est globalement amélioré au niveau mondial, y compris sur le continent.

Des résultats qui sont encourageants donc. Toutefois les défis restent nombreux. En effet, la transformation numérique des administrations publiques nécessite des investissements importants. Dans le rapport cité précédemment, la Banque Européenne d’Investissements, reconnaît les efforts croissant des états africains en la matière. Elle souligne cependant les risques financiers face à des échecs potentiels de certains de ces projets. Elle suggère également l’intérêt du partenariat public-privé dans la mise en œuvre des stratégies de digitalisation de l’administration.

Économie numérique en Afrique : les entreprises sont-elles assez matures ?

Toujours selon la BEI, les entreprises africaines seraient en retard en matière de maturité numérique. En effet, celle-ci précise que, si les entreprises sont assez matures pour élaborer des stratégies numériques, elles font dans le même temps face à certaines difficultés. Parmi elles, 3 freins majeurs : l’incapacité des équipes dirigeantes de définir les priorités numériques, la résistance au changement des salariés, le manque de capacités techniques et humaines.

Source : Banque Européenne d’Investissement

Ce constat peut paraître relativement sévère. En effet, certains secteurs se démarquent largement en matière de maturité numérique : on peut notamment citer le domaine bancaire ou celui des télécommunications.

Cybersécurité en Afrique

Pas de transformation digitale réussie sans prise en compte du volet cybersécurité. S’il revient à chacun de se prémunir, la politique a bien entendu son rôle à jouer à travers le déploiement de différents outils : arsenal juridique, stratégies nationales, mesure et suivi, etc.

Sur ce volet, pas d’exception, le continent présente une hétérogénéité en la matière. C’est en tout cas ce que l’on peut constater en consultant le Global Cybersecurity Index (GCI) 2020.

Publié par l’International Telecommunication Union (ITU), l’index étudie plusieurs volets, notamment :

  • Les mesures juridiques et légales
  • Les mesures techniques tels que les CIRTs et CERTs (équipes de réaction aux incidents informatiques)
  • Les mesures organisationnelles (élaboration et déploiement de stratégies du cybersécurité)
  • La capacité à mettre en œuvre et développer les différentes mesures liées à la cybersécurité
  • Le développement de coopérations bilatérales ou multilatérales

Pour un score maximum de 100, l’Afrique présente une moyenne globale de 36. Des efforts doivent donc encore être fait en la matière.

Le podium revient à Maurice (96.89), l’Egypte (95.48) et à la Tanzanie (90.58). Une dizaine de pays enregistrent un index inférieur à 10 comme l’Érythrée, le Burundi ou encore la Guinée Equatoriale.

En conclusion

Il est indéniable qu’en Afrique comme ailleurs la révolution digitale est en marche. Pour autant celui qu’on nomme le continent de demain doit faire face à de nombreux défis pour en saisir pleinement toutes les opportunités. En effet, une meilleure utilisation des données et le recours à des technologies de pointe doit permettre au continent de générer une croissance durable.

S’il est vrai que le continent accuse un certain retard en la matière, il est intéressant de constater que, malgré une hétérogénéité sur le territoire, globalement l’Afrique progresse. Et ce, tant sur le plan de la pénétration d’internet et de la connectivité, que sur l’évolution de la maturité des organisations privées et publiques ou encore en matière de cybersécurité.