Digital Morocco 2030 : vers une transformation digitale ambitieuse

La stratégie nationale Digital Morocco 2030 représente une étape décisive dans le processus de digitalisation du Maroc, visant à moderniser l’administration publique et à dynamiser l’économie numérique. En mettant en place une feuille de route claire et ambitieuse, le gouvernement marocain cherche à faire du pays un hub technologique en Afrique, tout en répondant aux besoins de ses citoyens et en stimulant la compétitivité des entreprises locales.

Explorons ensemble les facettes de ce nouveau plan de digitalisation.

Les fondations numériques du Royaume

Le Maroc a entrepris plusieurs initiatives au cours des dernières décennies pour promouvoir la transformation digitale du pays. Ces plans ont jeté les bases de la stratégie actuelle, mais n’ont pas toujours atteint les objectifs fixés.

Stratégie e-Maroc 2010,
le premier pas vers la transformation digitale

La Stratégie e-Maroc 2010, mise en place en 2005, a marqué le premier effort coordonné pour introduire le Maroc dans l’ère numérique. Son objectif principal était de réduire la fracture numérique en améliorant l’accès aux technologies de l’information pour tous les citoyens et en modernisant l’administration publique. Elle a favorisé l’émergence de l’e-gouvernement avec des services administratifs en ligne et la mise en place d’infrastructures TIC. Cependant, des défis majeurs, notamment l’accès limité aux infrastructures dans les zones rurales et un développement inégal des compétences numériques, ont limité la portée de ce plan. Malgré ces obstacles, cette stratégie a jeté les bases nécessaires à la transformation numérique du pays.

Plan Maroc Numeric 2013,
modernisation des services publics et ambitions déçues

Lancé en 2009, le Plan Maroc Numeric 2013 poursuivait quant à lui l’objectif de moderniser l’administration en ligne tout en soutenant l’adoption des solutions digitales par les petites et moyennes entreprises. Ce plan visait à renforcer l’administration électronique et à stimuler la compétitivité des entreprises marocaines à travers l’intégration des TIC. Bien que des progrès aient été réalisés dans le domaine de la dématérialisation des services publics, les infrastructures insuffisantes et une adoption numérique inégale, particulièrement dans les zones rurales, ont freiné son plein potentiel.

Maroc Digital 2020,
un bond en avant malgré une fracture numérique persistante

Le Plan Maroc Digital 2020, déployé en 2016, avait pour ambition d’accélérer la connectivité nationale et de renforcer l’infrastructure numérique du Maroc. Il a mis l’accent sur la formation des compétences numériques et l’amélioration de l’accès à internet, notamment avec l’objectif de développer des zones à haute connectivité. Cependant, bien que les infrastructures numériques aient été renforcées dans les grandes villes, l’écart entre les zones urbaines et rurales en termes d’accès et de compétences digitales est resté un problème majeur. Ce plan a permis de structurer davantage le secteur numérique marocain, mais sans atteindre tous ses objectifs.

Ces stratégies, si elles ont parfois pu décevoir, ont toutefois permis de poser les bases de l’écosystème numérique marocain. Chaque plan a contribué à l’amélioration des infrastructures, de la formation et de l’inclusion numérique, tout en soulignant les défis récurrents comme la fracture numérique entre les régions rurales et urbaines.

Ces initiatives ont également montré l’importance de développer un environnement favorable aux PME et aux startups pour permettre une adoption plus large des technologies digitales.

Fort de ces expériences, le Maroc se tourne maintenant vers Digital Morocco 2030, une stratégie qui vise à corriger les lacunes des plans précédents tout en amplifiant les succès obtenus. Cette nouvelle feuille de route aborde la digitalisation avec une vision plus intégrée, en mettant l’accent sur l’innovation, l’emploi numérique et la souveraineté technologique.

Digital Morocco 2030 : une feuille route ambitieuse

La stratégie Digital Morocco 2030 s’appuie sur une vision ambitieuse visant à transformer en profondeur l’écosystème numérique du Maroc. Elle repose sur trois axes majeurs qui couvrent aussi bien la modernisation des services publics que le développement de l’économie numérique et le renforcement des infrastructures. Ces piliers sont conçus pour répondre aux défis identifiés dans les stratégies précédentes tout en capitalisant sur les progrès réalisés.

Vers une administration digitale

L’un des axes prioritaires de Digital Morocco 2030 est la transformation numérique des services publics. L’objectif est de rendre les démarches administratives plus accessibles et efficaces grâce à des solutions dématérialisées. Parmi les initiatives phares figure la création d’un portail numérique unique, qui centralisera les services administratifs en ligne et offrira des solutions comme l’identité numérique et la signature électronique. Ce portail vise à simplifier les démarches pour les citoyens et les entreprises en assurant un suivi en temps réel, tout en respectant les standards internationaux de qualité​.

Certains n’ont pas attendu pour engager la dématérialisation de leur processus et des procédures administratives. Ainsi, au lendemain du lancement de la stratégie 2030, le Ministère de l’Inclusion Economique, de la Petite Entreprise, de l’Emploi et des Compétences a dévoilé sa plateforme. Un projet accompagné par l’OIT et Visiativ en tant que partenaire technologique.

Par ailleurs, le gouvernement s’engage également à renforcer l’inclusion numérique, notamment dans les zones rurales, en mettant en place des relais d’assistance pour accompagner les citoyens moins familiers avec le digital. Cette approche centrée sur l’utilisateur, connue sous le nom de « parcours usager », promet de rationaliser l’interaction entre le citoyen et l’administration​.

Startup et innovation : à la conquête de l’économie numérique

L’économie numérique est au cœur de la stratégie Digital Morocco 2030. Le gouvernement ambitionne de créer un écosystème dynamique qui inclut le soutien aux startups et l’encouragement de l’innovation. L’objectif est de faire émerger 3000 startups d’ici 2030, avec l’espoir de voir naître une ou deux licornes, ainsi qu’une dizaine de « gazelles », ces entreprises à forte croissance. Pour faciliter cette dynamique, des incubateurs nationaux seront renforcés et des partenariats avec des incubateurs internationaux seront mis en place afin de stimuler les opportunités d’export​.

Le gouvernement s’engage également à attirer des investissements étrangers dans des secteurs technologiques à fort potentiel, tels que l’intelligence artificielle et l’outsourcing. Avec des programmes comme PME Tech, le gouvernement offrira des subventions aux PME marocaines pour qu’elles puissent adopter des solutions numériques et améliorer leur compétitivité à l’international​.

Le cloud souverain comme pilier technologique

Pour assurer le succès de cette transformation numérique, le renforcement des infrastructures technologiques est indispensable. La stratégie prévoit la mise en place d’un cloud souverain pour garantir la sécurité et la confidentialité des données publiques et critiques, ainsi que le développement d’un cloud public accessible aux entreprises pour soutenir l’économie numérique et offrir des services technologiques de pointe​.

De plus, un effort important sera déployé pour améliorer la connectivité nationale, en particulier dans les zones rurales et moins bien desservies. Le plan Digital Talents prévoit également de former 100 000 talents numériques par an d’ici 2030, afin de garantir que la main-d’œuvre soit prête à soutenir cette transition. En parallèle, un programme de reconversion permettra chaque année à 50 000 personnes d’intégrer le secteur du numérique​.

cloud souverain stratégie Digital Morocco 2030

Des enjeux et des challenges importants

La stratégie Digital Morocco 2030 marque un ambition forte de moderniser l’administration publique, stimuler l’économie numérique et renforcer les infrastructures technologiques. Cependant des obstacles structurels persistent.

L’un des points forts de la stratégie Digital Morocco 2030 réside dans son ambition de créer une véritable économie numérique intégrée. L’objectif de faire émerger 3000 startups d’ici 2030, avec l’apparition possible d’une ou deux licornes, démontre une volonté de positionner le Maroc en tant que hub technologique en Afrique​. En outre, la création de 100 000 emplois par an dans les secteurs de l’outsourcing, des technologies numériques, et de la digitalisation des services publics représente une opportunité majeure pour le pays.

Cependant, cette ambition soulève des questions quant à la capacité réelle d’atteindre ces objectifs dans les délais impartis. En effet, des défis subsistent en matière d’infrastructure, de compétences, et de financement.

Sur le volet infrastructure, bien que le Maroc ait fait des progrès notables en matière de connectivité dans les zones urbaines, la fracture numérique entre les grandes villes et les régions rurales reste importante​. Cette inégalité pourrait limiter l’impact du plan sur l’ensemble du pays.

De plus, la création d’un cloud souverain pour les services publics et les entreprises pose également des questions techniques et de sécurité. La gestion des données critiques sur une infrastructure nationale, bien que nécessaire pour la souveraineté numérique, exige des compétences avancées en cybersécurité et des investissements massifs​.

Un autre défi majeur concerne la formation des talents nécessaires pour soutenir cette transformation. Pour être efficace, former 100 000 talents numériques par an dépendra fortement de la qualité des programmes de formation et de la capacité des entreprises à intégrer ces nouvelles compétences. L’idée de reconvertir 50 000 personnes par an dans des métiers du numérique est prometteuse, mais nécessite des investissements conséquents dans les infrastructures éducatives et de formation​.

Enfin, pour que cette transformation soit efficace, le Maroc devra aussi surmonter les obstacles financiers. Les PME doivent pouvoir bénéficier d’un soutien financier et technique pour adopter les nouvelles technologies, sous peine d’être laissées pour compte dans cette transformation numérique. Le programme PME Tech, qui propose des subventions pour aider les entreprises à adopter des solutions digitales, est une réponse à ce besoin, mais devra être suffisamment bien conçu pour atteindre une masse critique d’entreprises​.

Benchmark : ce que le Maroc peut apprendre des leaders du digital

La stratégie Digital Morocco 2030 s’inscrit dans une tendance mondiale où de nombreux pays cherchent à renforcer leur souveraineté numérique et à développer des écosystèmes technologiques robustes. Afin de mieux comprendre les opportunités et les défis auxquels le Maroc pourrait être confronté, il est utile de comparer cette stratégie avec les initiatives d’autres pays qui ont réussi leur transformation numérique.

 

L’Estonie est souvent citée comme un modèle exemplaire de transformation digitale, ayant réussi à mettre en place l’un des systèmes les plus avancés d’e-gouvernement. Le pays a adopté une approche holistique en plaçant la digitalisation au cœur des services publics dès la fin des années 1990, avec des initiatives telles que l’identité numérique, la signature électronique, et la dématérialisation complète des services gouvernementaux.

L’un des enseignements à tirer de l’exemple estonien est l’importance de l’interopérabilité des systèmes numériques.

En Estonie, toutes les plateformes publiques sont interconnectées grâce à une infrastructure unique appelée X-Road, qui permet aux citoyens et aux entreprises d’accéder facilement aux services publics à travers un portail unique, similaire à ce que le Maroc vise avec son portail numérique unique. Cependant, le succès de cette initiative dépendra de la capacité du Maroc à développer des infrastructures sécurisées et robustes pour garantir la fluidité des échanges de données.

En outre, l’Estonie a mis en place un cadre légal strict pour protéger les données personnelles, assurant ainsi la confiance des citoyens envers le système digitalisé. Il s’agit donc de renforcer la confiance des utilisateurs en adoptant des régulations similaires en matière de cybersécurité et de protection des données.

Au-delà de l’exemple de l’Estonie, plusieurs autres pays ont pris des initiatives ambitieuses en matière de transformation numérique, comme la Finlande, avec son programme d’e-santé, ou encore l’Inde, qui a lancé le programme Digital India pour améliorer l’accès aux services publics et promouvoir l’économie numérique. Un point commun à toutes ces stratégies réussies est l’investissement massif dans les infrastructures technologiques, qui permet aux entreprises et aux citoyens de bénéficier de la digitalisation à grande échelle.

Une opportunité historique pour un Maroc connecté

La stratégie Digital Morocco 2030 représente une opportunité historique pour le Maroc de s’imposer comme un leader numérique en Afrique et de moderniser son économie. En capitalisant sur les acquis des plans précédents, tout en adressant les défis rencontrés, ce plan promet de transformer l’écosystème numérique du pays et d’améliorer considérablement les services publics ainsi que la compétitivité des entreprises marocaines.

Cependant, comme toute transformation ambitieuse, le succès de cette stratégie dépendra de la capacité du Maroc à mobiliser les ressources nécessaires, à améliorer les infrastructures et à former les talents indispensables à cette transition.

L’une des clés de la réussite de cette stratégie repose sur la collaboration entre les différents acteurs économiques. Les PME, qui représentent l’épine dorsale de l’économie nationale, sont invitées à saisir les opportunités offertes par la digitalisation grâce aux programmes de soutien.

Par ailleurs, les investisseurs étrangers ont également un rôle à jouer dans le succès de Digital Morocco 2030. Le gouvernement a clairement exprimé sa volonté d’attirer des investissements dans les secteurs technologiques à fort potentiel, comme l’intelligence artificielle et l’outsourcing. Cela ouvre de nouvelles perspectives pour les entreprises internationales cherchant à s’implanter dans un pays en pleine mutation numérique.