Louis Naugès, DG de DHASEL Innovation & co-auteur de « Dirigeants, Acteurs de la Transformation Numérique »
• Votre parcours en quelques mots ?
J’ai passé l’essentiel de ma jeunesse dans plusieurs pays africains et mon Bac au Lycée Lyautey de Casablanca.
Ensuite, Supélec, MBA IAE de Paris et MBA Northwestern University à Chicago, pour démarrer une carrière à 100 % consacrée à l’informatique et au numérique. J’ai créé ma première société, Bureautique SA, au début des années 1980 et beaucoup d’autres, dont Revevol en 2006, pour répondre aux besoins des entreprises qui découvraient le Cloud Computing.
Dernières créations d’entreprises :
- DHASEL Innovation en 2012 pour l’accompagnement des entreprises dans leur Transformation Numérique.
- Wizy.io en 2015 pour proposer des solutions SaaS innovantes et de rupture, comme WizyEMM pour la gestion des terminaux Android ou WizDAM pour utiliser le Cloud et l’Intelligence Artificielle pour gérer les contenus multimédia (photos, vidéos…) des entreprises.
• Le Numérique, pour vous en bref ?
En Français, je préfère parler de ‘Numérique’ plutôt que ‘Digital’. Tous les métiers, de toutes les entreprises, dans tous les pays, seront profondément impactés par les outils et solutions informatiques modernes.
En 2020, les solutions de Cloud Computing, d’Intelligence Artificielle, les progrès exponentiels des outils d’infrastructures : serveurs, centres de calcul, réseaux et objets d’accès font que l’offre numérique est en avance sur les usages.
Ce décalage entre ce qu’il est techniquement possible de faire et la réalité des usages du numérique dans les organisations, et en particulier les plus grandes, devient très inquiétant.
Réussir sa Transformation Numérique, le thème de mon ouvrage “Dirigeants, Acteurs de la Transformation Numérique, c’est mettre beaucoup d’énergie pour réduire au maximum ce décalage entre les potentiels des outils et la réalité des usages.
Tout reste à faire ! Tout est possible, aujourd’hui, y compris en Afrique.
• Selon vous, quels sont les enjeux du Numérique pour les entreprises africaines d’aujourd’hui ?
Je suis très optimiste sur les potentiels immédiats du Numérique pour les organisations africaines, privées ou publiques, grandes, moyennes, ou petites. Les solutions innovantes du Cloud, des logiciels SaaS, Software as a Service ou de l’intelligence artificielle (IA) sont universelles. Il suffit d’un navigateur, Chrome ou autre, sur un smartphone, une tablette, un Chromebook (PC portable équipé d’un OS très léger et sécurisé, ChromeOS) pour avoir accès à des dizaines de milliers d’applications très performantes.
Pour les pays africains, la priorité des investissements est de permettre à tous les citoyens d’avoir un accès haut débit (supérieur à 1Mb/s) à un réseau sans fil, 3G, 4G, 5G ou WiFi, condition nécessaire et indispensable pour accéder à tous les usages du Cloud et de l’IA. Pour les entreprises, le plus difficile sera de faire son choix parmi les milliers de solutions SaaS disponibles. Toutes les fonctions “support”, telles que CRM, gestion des ressources humaines, trésorerie ou budget sont couvertes par des SaaS performants et à des coûts raisonnables.
Pour les usages “cœur métier”, il y a aujourd’hui deux pistes possibles :
1- Trouver un SaaS “vertical”, spécialisé par métier. On en trouve de plus en plus, pour les hôtels, les assureurs, les centres d’entretien des véhicules…
2 – Construire, sur mesure et sur le Cloud, avec des outils PaaS, Platform as a Service, les applications spécialisées dont elles ont besoin pour proposer des services innovants et porteurs de compétitivité. Cette démarche est réservée aux entreprises suffisamment grandes pour avoir des équipes internes de développement.
Les entreprises africaines ont un grand avantage sur celles des pays européens ou des USA : elles ont beaucoup moins de “dettes numériques”, des infrastructures et des applications très anciennes qu’il faut maintenir.
Il est essentiel de ne pas répéter les mêmes erreurs commises dans les pays développés et de faire immédiatement les choix modernes et innovants que j’ai évoqué ci-dessus.
Pour réussir, quelles sont les trois erreurs principales que les entreprises africaines doivent éviter à tout prix :
- Les ERP intégrés.
- Les clouds privés.
- Les applications “client/serveur”.
La réussite de la Transformation Numérique dans les pays africains se mesurera au nombre de personnes qui auront, en 2025, accès à des usages numériques essentiels et indispensables.
Il faut éviter les applications “à la mode”, telles que Blockchain ou ville intelligente, qui n’apporteront de la valeur qu’à une infime minorité de la population et privilégier une Transformation Numérique raisonnable pour tous.
• La transformation Numérique aura-t–elle un impact sur l’écosystème des affaires au Maroc ?
Au Maroc, comme dans beaucoup de pays africains, il n’y aura pas un seul secteur économique d’activité qui ne sera pas impacté par la Transformation Numérique, rapidement et en profondeur.
Les pays qui ne prendront pas, immédiatement, les mesures fortes et urgentes permettant à cette Transformation Numérique de réussir se retrouveront dans une situation de compétitivité numérique catastrophique, et ce, avant la fin de la décennie qui démarre.
Quelques exemples de ces mutations positives possibles :
- Des dizaines de milliers de PME peuvent exporter leurs produits et services en se positionnant rapidement sur des sites mondiaux de commerce électronique comme Amazon ou Alibaba.
- Les universités et écoles d’informatique peuvent modifier en profondeur leurs programmes pour privilégier les technologies innovantes citées dans ce texte. Les personnes formées trouveront rapidement des emplois haut de gamme, bien rémunérés car la demande sera au rendez-vous. Si les entreprises et les organismes publics marocains font le choix de ces solutions innovantes, ces personnes bien formées trouveront des emplois dans leur pays et ne seront plus obligées de s’expatrier.
- A l’image de ce qui c’est fait en Estonie, les gouvernements africains peuvent mettre en œuvre des solutions numériques permettant à tous les citoyens d’accéder à 100 % des services publics essentiels depuis leur navigateur ou leur smartphone. La réduction des coûts de fonctionnement du secteur public et l’accroissement de son efficacité augmenteront la compétitivité de tous les secteurs économiques privés.
• En résumé
Les pays africains ont devant eux une opportunité historique de réussir leur Transformation Numérique en faisant aujourd’hui le choix des solutions technologiques les plus innovantes dans le domaine des infrastructures, comme les clouds publics et des usages, SaaS et Intelligence Artificielle.
La principale condition du succès tient en une phrase : le courage politique des gouvernements pour accompagner les grands défis que représentent ces choix numérique.